Faire trace et rendre présent.
la documentation
La Bellone est depuis sa création une maison de mémoire vivante pour les arts du spectacle en Belgique francophone. Le centre de documentation y est présent depuis le début et a traversé de nombreux déplacements et transformations. La documentation est l’un des quatre axes de travail de la maison et une pratique qui mérite qu’on l’interroge et qu’on la nourrisse.
Aujourd’hui, il continue d’abriter un important fonds documentaire sur les arts de la scène où sont répertoriés au quotidien des lieux, spectacles et personnalités liées au secteur, et où est mis à disposition une riche collections d’enregistrements audios podcastables où se répondent les très nombreuses voix passées par La Bellone (artistes, chercheur·euses, activistes, auteur·ices, professionnel·les du secteur…) qui pensent, agissent, problématisent et rendent sensible notre époque.
La Vrille - cahier de recherche
Chaque année, un numéro de Vrille est assemblé et publié à la suite de l’une des résidences recherche de la saison. Ce cahier, conçu et compilé en collaboration directe avec les artistes, est un outil profitable à la poursuite du travail et offert à la lecture pour des personnes extérieures au projet. Il offre à la fois un reparcours des références, un dépliage des thématiques, une cartographie des directions de recherche multiples et comme la photographie d’une étape.
Adaptable dans sa forme aux matières et au style du travail qu’il documente, Vrille donne à sentir la tonalité singulière d’une recherche en cours, avec ses parts de flou, ses régions qu’on choisit de laisser inexplorées, celles qu’on préfère ne pas divulguer, mais aussi ses découvertes, ses partages, ses élans de générosité.
journée de réflexion
Il nous semble essentiel et urgent de réfléchir sur nos pratiques et nos méthodologies documentaires, partant du constat d’un manque flagrant de minorités de genre (y compris les femmes) et d’origine dans les fonds documentaires artistiques en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les journées annuelles de réflexion visent à fédérer les acteur·ices concerné·es (institutions culturelles, centres d’archives et de documentation artistiques, militant·es et utilisateur·ices) afin de parvenir à une meilleure représentativité et une plus grande inclusivité des ressources documentaires disponibles au grand public.
Journée 2024: Archives du spectacle vivant au prisme du genre - Symposium documentation*
La Bellone et le FAME festival (Festival where Arts Meet Empowerment) co-organisent un symposium pour réfléchir collectivement à l’avenir des archives du spectacle vivant au prisme du genre. L’histoire du spectacle vivant est largement documentée en Belgique, les théâtres et les artistes ont centralisé leurs archives dans différents lieux (Archives et Musées de la Littérature, Bellone, Archives communales, etc.), mais comme souvent, faire l’histoire des femmes artistes se révèle plus difficile à mettre en oeuvre que celles des grands hommes du théâtre.
Au cours de cette journée, nous entendrons plusieurs interventions visant à mettre en lumières les difficultés auxquelles on peut se confronter lorsqu’on cherche à faire l’histoire des femmes artistes. Ces partages seront suivis par une table ronde au cours de laquelle nous nous demanderons quels outils pourraient être mis en place pour collecter, valoriser et rechercher plus facilement les femmes de théâtre dans les archives. L’après-midi se clôturera par la diffusion publique du premier épisode d’un podcast réalisé par Caroline Berliner*, en collaboration avec le FAME festival et Écarlate la Compagnie, dirigée par Elsa Poisot*, dans le cadre de leur projet Herstories, qui retraverse l’histoire du théâtre en Belgique dans la seconde moitié du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui à travers le regard des comédiennes. »
Journée 2025: Une charte pour des archives réellement inclusives*
Suite à une première journée en décembre 2024 sur la question du genre dans les archives artistiques en Belgique francophone, La Bellone et les AML ont décidé de s’associer pour travailler à l’établissement d’une charte autour de la représentation des minorités de genre et d’origine dans les centres d’archives et de documentation artistiques en FWB.
Avec le projet SCAPIN, le secteur des arts de la scène dispose désormais d’un outil unique de mutualisation des bases de données issues des principaux centres de ressources en arts de la scène ainsi que de nombreux théâtres et compagnies artistiques, permettant ainsi de recenser l’ensemble des spectacles professionnels en Belgique francophone, toutes disciplines confondues, saison par saison, ainsi que les documents qui y sont attachés dans les divers centres de ressources francophones.
La fusion de ces données offre de nouvelles possibilités de veille statistique et de valorisation des travailleur·euses du spectacle en FWB, tout particulièrement en matière de représentation des femmes et des minorités diverses dans les collections documentaires. Il permet d’obtenir une image particulièrement précise de la proportion de femmes et de personnes issues des minorités dans les distributions des spectacles ainsi que dans les documents qui sont archivés. À ce titre, il s’agit d’un outil puissant pour identifier les points d’attention et les objectifs que devrait remplir une charte en matière d'inclusivité pour les archives artistiques en FWB.
Pour autant, les biais institutionnels sont nombreux, et l’utilisation inconsidérée d’un tel outil et la mise en marche forcée d’un projet de recensement généralisé soulèverait des questions profondes et très probablement violentes pour les personnes concernées. Les enjeux mémoriels sont au cœur des luttes et ils sont infiniment plus complexes qu’une simple aspiration à la visibilité.
Le 26 septembre 2025, une journée de réflexion et de travail a été organisée à La Bellone pour explorer les enjeux liés à l’élaboration d’un tel outil, par le biais de conférences et au moyen de groupes de travail selon les méthodes de l’intelligence collective.
Quel est le cadre juridique des questions liées au genre et aux racisations dans les archives publiques ? Quelles sont les possibilités et les bonnes pratiques en termes d’indexation des données ? Comment mener une politique proactive et inclusive dans le cadre d’institutions documentaires publiques, tout en respectant la spécificité des enjeux et des matériaux archivistiques issus de communautés qui ont souvent développé leurs propres pratiques en la matière, ou leur propre pensée politique mémorielle ? Quelles réparations sont possibles, lesquelles sont souhaitables ? Qu’en est-il du droit à l’oubli ou à l’anonymat ? Quelles protections garantir contre les fantasmes étatiques de la transparence ? Quels sont les principaux objectifs que doit se donner une charte vouée à s’appliquer dans des contextes souvent très différents ? Quelles sont les priorités ?
ateliers et séminaires
Dramaturgie documentaire et pratiques de lectures créatives
Il n’est pas rare qu’on identifie le travail de la dramaturgie à un travail sur les sources, les références, la théorie. En somme, sur la documentation du projet et la conceptualisation de sa « thématique » ou de son « sujet », qui sont supposées fournir les clés du développement artistique et les réponses aux questions formelles, méthodologiques, éthiques ou politiques posées par le travail de création. Du document, la dramaturge serait alors comme l’interprète, la traductrice, l’intercesseuse.
Pourtant, il n’est pas moins rare que ces mêmes références, devenues abondantes, viennent se mettre en travers des questions qui font la singularité du travail en cours, qu’elles produisent des effets d’intimidation ou d’autorité ou qu’elles suivent une logique propre qui peine à se transposer dans les formes d’un spectacle. D’interprète, le dramaturge se fait alors diplomate : car il s’agit de négocier les conditions d’un dialogue entre des travaux ou des objets dont les intentions resteront différentes, de ménager les écarts et les points de croisement, de mesurer les rapports de friction ou de redondance, d’interroger les logiques d’illustration ou de transposition... Bref, de choisir et d’aménager les régimes particuliers de relation aux documents et aux concepts dans l’écologie de la forme en train de se chercher.
Si ce ne sont pas les idées qui font un spectacle mais bien ses matériaux, de quels types singuliers de matérialité les documents relèvent-ils, dans leur diversité ? Quels sont leur poids de réalité, leur texture propre ? Au-delà de ce qu’ils « énoncent » ou « racontent », de quelles séductions ou sévérités, de quels pièges font-ils parfois usage ? Si tout travail artistique vise à tenter de trouver une forme aux expériences, il faut aussi se demander de quelles expériences chaque document se fait le relais, pour cesser de le considérer dans sa prétendue autonomie et reparcourir le trajet dont il est la trace, l’inquiétude à laquelle il répond, le geste de pouvoir ou de résistance qu’il performe, le réel qu’il cherche à faire survivre, en un mot : le drama dans lequel il est lui-même déjà pris.
Les séminaires et ateliers documentaires, conçus et menés par Arnaud Timmermans, abordent la question de la dramaturgie documentaire en cherchant à en retrouver, par la pratique, les potentiels dynamiques et dialogiques, plus proches de l’interaction que de la consultation. En se souvenant que documenter une dramaturgie peut aussi bien signifier la nourrir en documents qu’en produire la trace lisible et continuable par d’autres, on s’entrainera, par différentes pratiques de lecture et de (ré)écriture, à en explorer les réseaux mycéliens, à en réinventer les parentés et les généalogies, à en observer les bourgeonnements.